PHI VR TO GO : la VR narrative en plein décollage

PHI
7 min readMar 18, 2021

Par Catherine Martellini

PHI VR TO GO au CENTQUATRE-PARIS. Photo: Stella Jacob/Diversion Cinema

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Avec PHI VR TO GO, son service inédit de location et de livraison à domicile de casques de réalité virtuelle, films inclus, le Centre PHI à Montréal a créé une brèche d’innovation autant dans la façon d’atteindre le public hors les murs des lieux culturels que dans la démocratisation même de la VR. Après Montréal et Québec, voilà que son application s’exporte à Paris, au centre culturel le CENTQUATRE-PARIS, puis au Luxembourg, dans le cadre de la 11e édition du Luxembourg City Film Festival.

La crise sanitaire aura fermé les lieux culturels, les musées et les centres d’art. Avec eux, se refermait aussi l’une des rares fenêtres de visibilité offerte aux œuvres narratives et artistiques en réalité virtuelle en dehors des Stores comme Oculus ou Steam où elles finissent par aboutir, noyées parmi les jeux qui ont l’avant-scène en VR.

C’est dans ce contexte pandémique que l’équipe des installations du Centre PHI s’est penchée sur la manière d’adapter son application Coherence, déjà utilisée pour son Cinéma VR et ses expositions, afin que les spectateurs puissent visionner les films immersifs à la maison de façon autonome et conviviale.

« Nous avions initialement conçu Coherence pour que le médiateur en salle puisse accueillir adéquatement les visiteurs et leur lancer simultanément le programme de films, plutôt qu’il ait à l’activer manuellement pour chaque casque de VR ou à travailler sur un ordinateur ou un clavier devant eux », explique Marc-André Nadeau, directeur de la technologie à PHI.

Ce dernier a réalisé qu’il suffisait de modifier l’interface de cette application pour créer une bulle de VR à même le casque. Après la mise sous tension du casque, l’utilisateur n’avait plus qu’à choisir sa langue de prédilection (l’anglais ou le français pour le marché montréalais) et à sélectionner le film dans le répertoire offert. Tout cela, uniquement avec le mouvement de sa tête.

Le Centre PHI a aussi scrupuleusement repensé sa programmation pour l’adapter à ce nouveau mode de diffusion. Les 10 films primés dans les plus grands festivals internationaux choisis étaient narratifs et linéaires plutôt qu’interactifs, puisque le casque fourni favorisait davantage ce type d’œuvres et simplifiait l’expérience.

L’institution montréalaise a ainsi lancé son service dès la fin avril 2020, qui a connu un succès instantané. Les 80 casques Oculus Go de la flotte n’ont depuis cessé de circuler, confirmant au Centre qu’il existe une demande insoupçonnée pour ce type d’art.

À Montréal, PHI VR TO GO, la réalité virtuelle à la maison. Photo: Michel Ouellette/PHI

Une formule personnalisable selon les besoins

De l’autre côté de l’océan Atlantique, Diversion Cinema a eu vent en mai 2020 de l’initiative. L’entreprise de création d’espaces de VR et de distribution d’expériences immersives avait déjà mis à l’essai des logiciels sur le marché qui s’étaient révélés insatisfaisants pour même songer à livrer des casques chez le public sans le soutien d’un professionnel technique.

« Lorsque le Centre PHI m’a envoyé son application et que je l’ai intégrée à un casque, j’ai tout de suite été frappé par sa simplicité d’utilisation et sa sobriété, qui n’avaient rien à voir avec ce que j’avais expérimenté auparavant, raconte Marc Lopato, cofondateur de Diversion Cinema et responsable des opérations et développement des affaires, qui collabore depuis quelques années avec le Centre PHI. Une grande visibilité aussi est donnée à chacune des œuvres et aux artistes derrière elles, un aspect que je trouve vraiment incontournable. »

Contrairement à la plateforme Netflix qui ne présente pas toujours le nom des réalisateurs ou du producteur, l’application permet de mettre de l’avant les principaux crédits et le synopsis de chaque œuvre.

Résident depuis un an et demi à la 104Factory, qui est l’incubateur à startups de l’établissement artistique CENTQUATRE-PARIS, l’entreprise a tout de suite vu une synergie possible avec ce dernier.

« Nous voulions présenter le propos d’artistes de scène qui explorent une autre technique que l’art vivant pour le faire vivre de l’intérieur, comme l’œuvre Half Life VR de Robert Connor » - José-Manuel Gonçalves, directeur du CENTQUATRE-PARIS

De son côté, l’équipe du CENTQUATRE-PARIS a décidé de tenter l’aventure, non pas parce qu’une partie de ses activités étaient interrompues en raison de la pandémie, même si celle-ci a bien sûr donné le contexte, mais bien parce qu’elle estimait que les contenus s’arrimaient parfaitement avec sa mission. Elle voyait également son potentiel de devenir une offre culturelle complémentaire à l’avenir.

Pendant une semaine, l’équipe a ainsi passé en revue une liste de films narratifs en VR. Trois éléments en sont ressortis qui ont guidé le choix de la programmation des huit films proposés par PHI VR TO GO et qui correspondaient à sa vision culturelle.

« Nous voulions présenter le propos d’artistes de scène qui explorent une autre technique que l’art vivant pour le faire vivre de l’intérieur, comme l’œuvre Half Life VR de Robert Connor, souligne José-Manuel Gonçalves, directeur du CENTQUATRE-PARIS. Les films de performance d’aventuriers, où la réalité virtuelle réussit à nous rapprocher du réel, nous semblaient également d’intérêt, de même que les œuvres d’animation qui abordaient des thématiques fortes et touchantes en dépassant le simple effet de la VR. »

Le service est déployé depuis le 9 février et se poursuivra jusqu’au 7 mai 2021 et tout porte à croire qu’il connaîtra un succès semblable à celui de Montréal.

Le concept VR TO GO de PHI au CENTQUATRE-PARIS

Un plus grand terrain de jeu culturel pour la VR artistique

Pour que le CENTQUATRE-PARIS puisse lancer PHI VR TO GO à Paris, il fallait bien évidemment les casques, le principal frein au déploiement d’un tel service. Diversion Cinema a réussi à les acquérir grâce à une subvention.

L’entreprise a également collaboré avec le Centre PHI pour adapter certains éléments de son application pour le public parisien, notamment sa compatibilité avec les casques Pico utilisés par Diversion et le CENTQUATRE-PARIS. De plus, les utilisateurs français devaient pouvoir accéder à des sous-titres pour les œuvres anglaises et que ceux-ci soient visibles, peu importe le mouvement de la tête.

Ces améliorations servaient non seulement à bonifier l’expérience parisienne, mais l’application du Centre PHI elle-même, qui est désormais compatible avec les casques Oculus Quest. Ce développement évolutif est d’ailleurs toujours au cœur de la vision de l’établissement montréalais.

Ces petits détails peuvent sembler mineurs, mais ils peuvent réellement faire toute la différence en VR où un utilisateur qui vit une première mauvaise expérience pourrait ne plus jamais vouloir réessayer. « La qualité des fichiers des artistes contribue grandement aussi à offrir une expérience optimale », précise Marc-André Nadeau.

Le Centre PHI et le CENTQUATRE-PARIS ont également observé que le service VR TO GO leur permet de rejoindre de nouveaux publics qui connaissent très peu la VR et pour qui l’achat d’un casque n’est pas du tout sur leur radar, encore moins les œuvres artistiques dans ce format.

«Récemment, le plus grand centre de vaccination de Paris s’est installé au CENTQUATRE, y amenant ainsi un public de 75 ans et plus, explique son directeur José-Manuel Gonçalves. C’est intéressant d’observer que même les personnes plus âgées, qui peuvent sembler éloignées de cette technologie et de cette forme d’art, sont non seulement curieuses de la découvrir, mais sont en train de produire le bouche-à-oreille pour le service.»

Cette avenue pourrait même, petit à petit, devenir le canal de distribution qui propulserait la VR narrative, qui en a grandement besoin, estime pour sa part Marc Lopato de Diversion Cinema.

Si l’application du Centre PHI a maintenant fait ses preuves pour une utilisation à domicile, elle peut bien évidemment s’étendre aux festivals et à tous les lieux culturels qui souhaiteraient présenter des œuvres de réalité virtuelle en toute simplicité.

L’oeuvre de réalité virtuelle BattleScar, Punk Was Invented By Girls de Martín Allais / Nico Casavecchia. Narration de Rosario Dawson (gauche). Ayahuasca — A Kosmik Journey de Jan Kounen (droite)

Le Centre PHI a d’ailleurs participé à la 11e édition du Luxembourg City Film Festival où il a préparé les casques de VR en plus d’élaborer la programmation des films présentés du 4 au 14 mars 2021 dans son pavillon dédié à la réalité virtuelle. Parallèlement à celui-ci, PHI VR TO GO sera aussi déployé pendant une durée de trois mois pour permettre aux spectateurs luxembourgeois de visionner les films repris à l’affiche du pavillon à la maison.

Parmi la sélection de films, on comptait des films 360°, dont trois œuvres coproduites avec le Luxembourg (Under the Skin de João Inada — Tarantula Luxembourg, Putain de facteur humain de Karolina Markiewicz et Pascal Piron — Don Pedro Productions et l’oeuvre maintes fois primée Ayahuasca de Jan Kounen — a_BAHN). L’œuvre BattleScar, récipiendaire de la meilleure expérience immersive au LuxFilmFest l’an dernier, et qui est actuellement offerte dans la deuxième programmation de PHI VR TO GO à Montréal, a également fait partie de l’édition 2021.

Fondé et dirigé par Phoebe Greenberg à Montréal, PHI est un pôle artistique multidisciplinaire situé au croisement de l’art, du film, de la musique, du design et de la technologie. Tourné vers l’art et les publics de demain, l’organisme couvre le spectre des idées radicales en misant sur l’expérience collective, la responsabilité sociale et la participation de l’auditoire.

PHI englobe le Centre PHI, le Studio PHI, des programmes d’artistes en résidence et la Fondation PHI pour l’art contemporain. Grâce à une programmation éclectique et une prédilection pour la création de contenus, PHI favorise les rencontres imprévues entre artistes et publics.

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Founded and based in Montreal, Canada, PHI is a multidisciplinary organization positioned at the intersection of contemporary art and technology.